MAYA EST MORTE CE SOIR

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Petite parabole sur le merveilleux monde que l’on nous prépare

Hier soir, la dernière abeille est morte. On l’avait appelée Maya, comme celle du dessin animé. Elle était très vieille. Elle avait au moins 2 mois et jusqu’au dernier jour, elle s’était envolée pour récolter le pollen et le déposer dans la ruche vide. C’était une brave abeille, travailleuse et productive.

Tout avait commencé des années plus tôt. Ses sœurs affaiblies par la pollution, les pesticides et autres monocultures avaient très vite disparu, attaquées par des virus. On avait alors imaginé des ruches hi-tech (Six Feet Hive) et aménagé de petites alvéoles en plexiglas et des compartiments à l’entrée. Mais rien n’y fit. Les abeilles ne pouvaient plus communiquer entre elles, danser pour se renseigner sur les coordonnées des fleurs à butiner. Les ouvrières n’avaient plus accès aux couveuses et les reines, bien esseulées, devinrent dépressives et ne pondirent plus… Et de toute façon, les virus mutaient et mutaient et mutaient…

Certains hommes voulurent lutter pour les sauver mais d’autres, bien plus intelligents, trouvèrent la solution et créèrent des insectes-robots pollinisateurs qui feraient très bien le job… Peut-être même mieux !

Mais un malheur n’arrive jamais seul : un virus, informatique cette fois, attaqua ce merveilleux système qui, même s’il ne produisait pas de miel (un détail), le paralysa complètement. On ne peut pas dire que ces hommes très intelligents n’essayèrent pas de relancer les serveurs, mais ils n’y arrivèrent pas… Nul n’est parfait. On ne peut pas leur en vouloir. Et puis pour eux, la vie était belle : ils avaient accumulé énormément d’argent avec leur invention salvatrice au service de l’humanité !

Quelques années plus tard, c’est évidemment l’homme qui disparut à son tour : plus de fruits, plus de plantes, plus de fleurs… Le dernier d’entre eux, très vieux, très riche et réfugié dans une île achetée et aménagée à grands frais, s’éteignit paisiblement dans son sommeil, sous le regard indifférent de son robot personnel haut de gamme qui continua longtemps à lui préparer des repas qui s’accumulaient devant son lit et pourrissaient en même temps que lui…

Mais que cette fable ne vous décourage pas ! La croissance continue et se porte même actuellement très bien. L’intelligence artificielle a pris le relais : les usines tournent à plein rendement et il n’y a plus de grèves. Les robots fabriquent des tas de machines inutiles ! Des voitures vides roulent partout et on ne déplore aucun accident, les humanoïdes se téléphonent sur leur mobile dernier cri, mais n’ont évidemment rien à se dire puisque leur pensée collective est déjà dans le Cloud…

Donc surtout pas d’affolement, messieurs les puissants de ce monde, bien que vous soyez dans l’impossibilité de toucher vos dividendes, la divine et infinie croissance est au rendez-vous et la Bourse tourne comme jamais. C’est l’essentiel, non ? R.I.P.

Moralité : il serait peut-être bon de tout doucement faire le point… Et commençons peut-être par les abeilles, travailleuses et productives… comme on les aime !

Michel

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